Comme souvent lorsqu’il s’agit de remonter à l’origine des choses, il convient de démêler l’histoire de la légende, voire le vrai du faux. L’article que vous vous apprêtez à lire n’a pas vocation à retracer l’histoire de la bière de manière détaillée mais simplement d’expliquer comment cette boisson est née et comment elle a évolué pour arriver aujourd’hui dans nos verres.
Sommaire
Les origines
La bière était consommée par toutes les grandes civilisations.
La Mésopotamie
S’il fallait absolument fixer une date d’apparition de la bière, ce serait aux alentours de 6000 av. J.-C. C’est en tout cas de cette époque que date la plus ancienne recette de bière connue, écrite sur une tablette d’argile et trouvée vers Uruk en Mésopotamie. Les chercheurs estiment que toutes les conditions étaient même réunies avant la révolution néolithique pour qu’une forme de bière ait été brassée, sans qu’aucune preuve scientifique ne puisse être présentée.
L’Egypte antique
La production et la consommation de bière est très largement répandue dans l’Egypte antique du fait de la production massive d’orge et de froment. Les Egyptiens la consomment quotidiennement et elle sert même de moyen de paiement. Des chopes de 3,5 litres servant à boire le breuvage et datant de l’époque de Ramsès III ont été retrouvées en Egypte. Ce pharaon aurait été un grand buveur de bière d’après les historiens. Bien entendu elle ne ressemblait pas à la boisson que nous connaissons aujourd’hui, il semblerait qu’elle était brassée et bue le même jour et qu’elle contenait donc beaucoup moins d’alcool. Les Egyptiens la buvait à la paille pour traverser ce qu’on appelle le Krausen (couche de sédiments qui se forme à la surface du moût en fermentation). Que ce soit chez les Sumériens ou les Egyptiens, la bière et sa production étaient réservées aux femmes, ce sont donc des déesses qui sont choisies pour « incarner » la bière : Ninkasi et Hathor.
Les Grecs et Romains préfèrent le vin
Dans l’empire grec (à partir de 500 av. J.-C), la bière n’est pas jugée assez noble par rapport au vin, Aristote allant même jusqu’à lui attribuer des effets « abrutissants »… Le vin va donc largement s’imposer à son détriment. Les Romains en feront autant, considérant la bière comme la boisson des barbares et imposant le vin au fur et à mesure que grandissait leur empire. Dans les actuelles Grande-Bretagne, Allemagne et Belgique, la bière continua toutefois à être consommée. C’est ainsi que lors des grandes (re)conquêtes des Germains sur l’Empire Romain d’Occident, elle pu de nouveau être mise en avant, redevenant alors la boisson numéro un devant le vin.
La bière au moyen-âge et pour les 1000 années à venir
À l’aube du IXeme siècle et sous l’impulsion de Charlemagne, les monastères deviennent des centres de production de bière. Les moines brassent alors pour les pèlerins et les pauvres, pour leurs hôtes, mais aussi pour leur propre consommation. Si bien qu’ils en buvaient entre 3 et 4 litres quotidiennement, l’eau du Moyen Age n’étant pas toujours propre à la consommation, et la bière constituant un apport nutritionnel non négligeable.
Il existe quelques traces écrites d’une utilisation du houblon dans la bière dès le IXeme siècle, mais son usage était alors très marginal car les brasseurs lui préféraient le gruit, un mélange d’épices qui servait à aromatiser la bière. Son usage était strictement réglementé et contrôlé par les autorités, et un impôt lui était associé.
🌿 C’est au XIIIe siècle au nord de la Germanie, notamment à Hambourg, que le houblon va devenir un ingrédient essentiel de la bière. Au XIVe siècle, la pratique se répand aux villes voisines et les marchands vendent de la bière houblonnée aux Pays-Bas, au Sud de la Germanie et en Grande-Bretagne. Ces villes font fortune grâce à un ingrédient révolutionnaire pour l’époque, mais ne tardent pas à être imitées par d’autres villes d’Europe. Par exemple Louvain, en 1378, produisait 77 fois plus de bière au gruit que de bière houblonnée. En 1436, le gruit a totalement disparu au profit du houblon.
Grâce à cette plante, le secteur brassicole connait une croissance très importante et la consommation de bière augmente. Mais la révolution industrielle qui arrive va transporter cette boisson à des niveaux de production jamais atteints.
La bière à l’heure de la révolution industrielle
La production de bière continue à croître dans les siècles qui suivent, notamment en Grande-Bretagne et plus particulièrement à Londres. Le gouvernement pousse d’ailleurs cette économie afin d’en tirer des recettes fiscales. En 1689, la Grande-Bretagne décrète un embargo sur les importations françaises et bloque ainsi l’entrée sur l’île du vin. La demande en alcool va donc être comblée par les Pale Ale et Porter de Londres. Les 12 plus grosses brasseries de la ville produisaient 400 000 fûts en 1750, elles en produisent 1 400 000 en 1810.
C’est ensuite durant la première moitié du XIXème siècle que le monde brassicole connait un nouveau tournant. Les avancées scientifiques concernant le travail des levures, mais aussi les travaux de Pasteur sur la conservation des aliments propulsent la bière dans un nouveau monde. En parallèle, les consommateurs réclament une plus grande constance dans la qualité des bières produites.
🙌 Les habitants de Pilsen (République Tchèque), en 1838, descendent dans la rue pour protester contre la qualité variable des bières qui leur sont proposées. C’est depuis cet événement que les brasseurs de la ville vont se tourner vers le brassage de lager, c’est à dire des bières de fermentation basse avec une longue période de garde à froid, bien plus régulières que les bières de fermentation haute dont les températures ne sont pas toujours bien régulées. En 1876, l’invention de la réfrigération offre des perspectives nouvelles pour les industriels.
L’amélioration de la machine à vapeur par Watt permit non seulement d’augmenter la production de bière, mais aussi de faciliter son transport que ce soit en Europe ou aux Etats-Unis. Dans le même temps, la fabrication des bouteilles en verre passent du stade artisanal au stade industriel, permettant ainsi de largement réduire les coûts et offrir une conservation meilleure que dans les fûts traditionnels. Au tout début du XIXème siècle, la capsule couronne est inventée, elle permet l’automatisation de l’embouteillage. En 1870, l’Allemagne, le Royaume-Uni et les Etats-Unis produisaient environ 8 milliards de litres par an, en 1910 le volume est passé à 18 milliards.
XXème et XXIème siècles, la production mondiale aux mains de quelques entreprises
La première moitié du XXème siècle peut se résumer en une alternance de crises. La Première Guerre Mondiale affecte sérieusement le secteur brassicole :
- Les ouvriers sont au front.
- La priorité est donnée à l’armement.
- Beaucoup de brasseries sont détruites.
- Le prix des matières premières flambe.
👉 Conséquence : la production chute de 70% en Europe.
Bien que la production en France quadruple durant l’entre-deux-guerres, le redressement est beaucoup plus lent dans les autres pays européens et les matières premières restent chers. Les brasseurs utilisent souvent des apports en sucre autre que le malt d’orge, il peut s’agir d’autres céréales, de pois ou de betterave. Que dire de la situation aux Etats-Unis, alors en pleine prohibition ?
La Seconde Guerre Mondiale apporte aussi son lot de destructions de brasseries et de ralentissement du secteur. Ce dernier sera profondément transformé quand le monde sortira du marasme.
Au lendemain de la Guerre, les pils et les lagers s’imposent très largement car elles sont plus faciles à produire à grande échelle et de manière stable dans le temps. C’est à partir de là que le nombre de brasseries chute brusquement mais que la taille des survivantes explose. À ce niveau, l’exemple américain est frappant : le pays compte 350 brasseries en 1950, pour seulement 24 en 2000. Sur la même période les 4 plus grandes brasseries passent de 24% de part de marché à 90% (54% pour le seul Anheuser-Busch qui produit la Budweiser). Le phénomène existe aussi en Europe mais à une échelle moindre
Le géant belge
Le phénomène de concentration est moins flagrant en Europe et pourtant, le leader mondial du secteur est belge. Son histoire mérite qu’on s’y attarde. En 1987, Jupiler et Stella Artois fusionnent après des années d’entente secrète sur les prix, ils forment Interbrew et se lancent dans une campagne frénétique de rachats de brasseries. Vingt ans après, la fusion Interbrew rachète le Brésilien AmBev et devient InBev. En 2008, InBev frappe un coup magistral en réussissant à racheter le leader mondial incontesté, l’américain Anheuser-Busch, en proie à des dissensions internes. En effet la famille Busch ne détient plus que 7% de la société et lorsque le milliardaire Warren Buffet décide de vendre ses parts à InBev, les autres actionnaires lui emboitent le pas. C’est ainsi que le begle InBev devient AB Inbev et domine aujourd’hui loin devant les autres le marché mondial de la bière. En 2001, les quatre plus grosses entreprises représentaient 21,7% du marché mondial, en 2014, AB Inbev, SABMiller, Heineken et Carlsberg représentent 45,7%. La concentration continue inexorablement. En 2016, AB InBev fusionne avec SABMiller et récolte ainsi la moitié des bénéfices totaux du marché de la bière dans le monde.
Si vous voulez approfondir le sujet vous pouvez lire cet article du journal Le Monde qui illustre bien la situation du marché en 2017.
Vous vous demandez qui se cache derrière la bière que vous buvez ?
Bien entendu cette ultra-concentration du marché n’a pas empêché la révolution Craft de naître dès les années 80 aux Etats-Unis et de se prolonger encore aujourd’hui partout dans le monde. Chacun est libre de faire ses propres choix s’il s’intéresse un minimum à ce qu’il boit. Depuis 2018, en France, une brasserie ouvre ses portes chaque jour (vous avez bien lu !) et vous propose des produits novateurs en terme de saveurs. La révolution est en marche, participez y.
2021 : naissance de la Brasserie 90
C’est grâce à la révolution des craft beers que la Brasserie 90 a vu le jour en 2021. Fondée par 3 amis d’enfance, notre microbrasserie est une héritière des méthodes de brassage démocratisées par les anglo-saxons au 19ème siècle, à savoir les Pale Ales, mais aussi les Lagers.
👉 C’est dans cette optique que nos recettes pleines de saveurs subliment l’association du malt, du houblon, de la levure et de l’eau pour vous proposer des bières d’exception à l’inspiration pop culture :
- Donatello : blonde bio aux notes de sauvignon et de fruits tropicaux.
- San Andreas : West Coast IPA aux arômes punchy issus de la côté pacifique des Etats-Unis.
- PUMP !! : SMaSH Citra ultra rafraichissante.
- Championne : Golden Strong Ale musclée à la finition sèche.
Sources :
Bièronomics, Johan Swinnen et Devin Briski, De Boecq, 2018
La petite encyclopédie de la bière, Elisabeth Pierre, Hachette, 2019
https://www.beertime.fr/le-saviez-vous/l-origine-de-la-biere/il-etait-une-fois-la-biere